Ce lundi, dans les colonnes de « Libération », des intellectuels et responsables politiques lancent un appel à l’organisation d’une grande primaire « des gauches et des écologistes » avant 2017. Jusque-là, l’idée n’était utilisée que comme un simple levier de pression.
« Nous voulons du contenu, des idées, des échanges exigeants. Nous appelons à une grande primaire des gauches et des écologistes ». Ce lundi, une dizaine d’intellectuels et de responsables politiques dont Daniel-Cohn-Bendit, Romain Goupil, Yannick Jadot, Thomas Piketty ou Michel Wieviorka, ont publié un appel dans les pages de Libération « pour une primaire à gauche ». « Nous n’acceptons pas que la menace du FN, le risque terroriste et l’état d’urgence permanent servent de prétexte pour refuser de débattre des défis extraordinaires auxquels notre société est confrontée. (…) Nous voulons faire de la prochaine élection présidentielle la conclusion d’un débat approfondi qui est passionnément désiré et attendu dans le pays », font-ils savoir. Au micro de Jean-Jacques Bourdin sur RMC, le sociologue Michel Wievorka en a remis une couche : « Il faut en finir avec cette congélation du débat », a t-il estimé.
Depuis quelques semaines déjà, à gauche, plusieurs voix tentaient de faire revenir ce débat par la fenêtre. Sans coup d’éclat, discrètement, par petites touches, au Front de gauche par exemple et notamment du côté de la direction du PCF, ils ont souhaité organiser des rencontres « sans tabous, pour voir si nous sommes d’accord sur le constat et avec l’idée de parler d’une candidature commune », nous confiait ainsi, il y a peu, un cadre communiste. « Un bon moyen d’emmerder Mélenchon », réagissait-on à EELV. Car côté écolos de gauche, on ne se presse pas vraiment au portillon. Expérience des départementales et des régionales oblige, avec le résultat que l’on connaît, plusieurs responsables EELV dont la patronne Emmanuelle Cosse expliquent désormais que la stratégie d’« opposition de gauche est une impasse ». Sans vouloir redevenir les godillots du PS, les écolos semblent vouloir tracer leur propre voie. « J’en ai assez que le débat se réduise à soit on est avec Hollande, soit on est avec Mélenchon », nous a ainsi fait savoir la secrétaire nationale d’Europe Ecologie-Les Verts. Un cadre nous a soufflé que l’idée d’« une candidature écologiste autonome » fait de plus en plus son chemin dans les rangs écolos. Les signatures de Yannick Jadot et de Daniel-Cohn Bendit au bas de la tribune en appelant à une primaire à gauche détonnent avec cette position. Mais elles sont un bon moyen de se rappeler au bon souvenir des camarades, alors que seuls les noms de Cécile Duflot et de Nicolas Hulot circulent pour le moment. Une primaire à gauche permettrait de rebattre les cartes…
Au PS, on connaît le peu d’appétence de Jean-Christophe Cambadélis, le patron des socialistes, pour le sujet. Celui-ci a d’ailleurs jugé sur France info ce lundi matin l’hypothèse « peu probable » : « Soit c’est la primaire de toute la gauche, on va dire de Macron à Mélenchon – c’est la seule qui fonctionne, celle qui permet de gagner l’élection – mais je ne suis pas sûr que tous les acteurs soient d’accord. Soit c’est une primaire pour départager Cécile Duflot, Pierre Laurent et Jean-Luc Mélenchon et vous comprendrez que les socialistes n’en soient pas. Donc il faut travailler à l’union mais ce n’est pas la bonne manière ». Même réticence dans la garde rapprochée de François Hollande qui défend bec et ongle que la candidat naturel des socialistes reste le chef de l’Etat sortant. Mais le débat sur la déchéance de nationalité pour les binationaux, avec l’entêtement du président de la République à vouloir l’inscrire dans la Constitution, a eu pour effet de réanimer l’idée de la primaire à gauche. Jean-Patrick Gilles, député PS et frondeur discret, avait ainsi dégainé le 2 janvier, en forme de représailles, un message sur son compte Twitter rappelant que « le candidat à la présidence de la République est désigné aux travers de Primaires citoyennes ouvertes… Art 5.3.1 des statuts du PS ». A l’aile gauche, certains socialistes avaient rebondi pour avertir, eux-aussi, que l’entêtement de Hollande sur la déchéance pourrait bien« entraîner une dynamique en faveur de la primaire ».
Mais jusque-là, la primaire à gauche n’était qu’un simple moyen de pression de part et d’autre à gauche. Avec cette tribune, le débat est sur la place publique. Et s’il enfle, François Hollande aura bien du mal à renvoyer la balle en touche. D’abord, parce que le principe en est gravé dans les statuts de son propre parti. Lui-même, dans une interview au Parisien durant la campagne pour la présidentielle de 2012, avait d’ailleurs promis sans ambiguïté que, lui président de la République, il y aurait une primaire pour 2017 : « C’est un principe désormais inscrit dans le temps et l’espace politique ». Avant d’ironiser : « Nicolas Sarkozy devrait se l’appliquer, mais il ne serait pas sûr d’être désigné. Je comprends sa prudence… » Ensuite, parce qu’à moins d’un miracle (économique), il y a peu de chance que la situation de l’emploi s’améliore nettement d’ici 2017. Or il en a fait une condition sine qua non pour se représenter. Enfin, parce que le droite s’apprête elle même à se soumettre à l’exercice.
Powered by WPeMatico
This Post Has 0 Comments