Rendez-vous manqué dans le suivi des frères Kouachi dès 2010?

Il y a un an, les frères Kouachi, auteurs de la tuerie de Charlie Hebdo, étaient abattus, retranchés à Dammartin-en-Goële après une cavale de deux jours. Comment en sont-ils arrivés là ? Quand les services de renseignement auraient-ils pu entrevoir leurs projets funestes ? Leur suivi révèle plusieurs rendez-vous manqués. Selon une quarantaine de notes déclassifiées par les autorités, les enquêteurs vont être alertés du danger qu’ils représentent en décembre 2011. Quelques mois auparavant, les deux frères avaient rejoint les camps d’entraînement d’Al Qaïda au Yemen. Une piste yéménite qui aurait pu être remontée dès janvier 2010, lorsque Chérif Kouachi commence ses recherches sur internet, alors que son frère, Saïd, multiplie déjà les allers retours.

Il semble manquer un élément dans la chronologie dessinée par la « quarantaine » de notes de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) déclassifiées mi-novembre « à la demande des magistrats » et que Le Monde a pu consulter. Si elles font état, d’après le quotidien du soir, d’un « enchaînement de rendez-vous manqués » dans la traque des terroristes de janvier, cet enchaînement semble avoir commencé plus tôt que ce que montrent les notes.

Ainsi, concernant les frères Kouachi, auteurs des tueries de Charlie Hebdo« l’indice-clé a posteriori de (leurs) projets terroristes » va être, selon le quotidien du soir, « mis au jour en décembre 2011 ». Soit quelques mois après le séjour des deux frères, en juillet 2011, au Yemen, où ils ont été formés au maniement des armes dans le désert de Marib par Al-Qaïda dans la péninsule arabique (Aqpa), et dont Charb, l’un des dessinateurs de Charlie Hebdo, était l’une des principales cibles. En réalité, il apparaît que les Kouachi se sont intéressés aux formations terroristes délivrées au Yemen depuis au moins 2010. Et que cet intérêt aurait pu être perçu dès cette année-là. 

Pendant sa cavale, il y a un an, jour pour jour, le 9 janvier 2015, Chérif Kouachi n’a d’ailleurs pas manqué de confirmer l’importance du Yemen à BFM, depuis l’imprimerie de Dammartin où il s’était retranché avec son frère : « Nous on te dit juste qu’on est les défenseurs du prophète et que j’ai été envoyé moi, Chérif, par Al Qaeda au Yemen et que je suis parti là-bas…. » Cette piste yéménite avait été remontée par les enquêteurs fin 2011,« à l’approche des fêtes de Noël », lorsque Chérif Kouachi est entré en contact, « par mails », avec un djihadiste français localisé au Yemen, un dénommé Peter Chérif. Le cadet des frères Kouachi le connaît bien puisqu’il a été condamné, en 2008, dans la même affaire dite de la filière du 19e arrondissement, accusée d’acheminer des jeunes combattants parisiens en Irak au début des années 2000. 

L’attrait pour le Yemen et le djihad des frères Kouachi était toutefois identifiable dès le début de l’année 2010, a minima. Outre le fait que Saïd Kouachi a, selon le Figaro, suivi des cours d’arabe en 2009 à Sanaa, la capitale yéménite où il a ensuite séjourné régulièrement, Chérif Kouachi s’est quant à lui renseigné, dès le 30 janvier 2010, sur la possibilité de partir y faire le « jihad. » Projet qu’il concrétisera par la suite alors même qu’il fait l’objet d’un contrôle judiciaire.

Les enquêteurs ont eu cette information en leur possession lorsqu’ils ont fait analyser l’ordinateur de Chérif Kouachi après… une autre arrestation, en mai 2010, dans le cadre, cette fois-ci, de l’évasion manquée de l’artificier des attentats de 1995, Smaïn Ait Belkacem. Dans cette affaire-là, Chérif Kouachi obtiendra un non lieu. Contrairement à un certain Amely Coulibaly, qu’il rencontre alors et qui deviendra le futur tueur de Montrouge et preneur d’otages de l’Hyper Cacher…

(Extrait de l’historique des recherches sur internet réalisées, en janvier 2010, à partir de l’ordinateur de Chérif Kouachi, et auquel Marianne a eu accès)

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